Cela ne paraît pas évident à première vue et pourtant, investir dans la défense est une stratégie d’investissement payante. Car investir dans la défense, c’est miser sur un secteur en croissance. Un secteur qui bénéficie de carnets de commandes solides, d’un soutien budgétaire conséquent de la part des États avec en toile de fond des enjeux de souveraineté. Mais cette catégorie d’investissement s’accompagne de considérations éthiques qui doivent être prises en considération. Investir dans la défense : de quoi parle-t-on ? Quels sont les supports disponibles ? Quels rendements espérer, et à quels risques s’exposer ? Décryptage.
En quoi consiste l’investissement dans la défense ?
Investir dans la défense consiste à placer une partie de son capital dans un secteur où l’économie, la technologie de pointe et les enjeux stratégiques de souveraineté se rencontrent. À l’instar d’autres typologies de placements, l’investissement dans le secteur de la défense peut se faire classiquement via différents supports :
- Par des actions d’entreprises de défense cotées en Bourse comme Dassault Aviation, Thales, Safran, Airbus Defence & Space ou encore Rheinmetall en Allemagne.
- Par des fonds d’investissement ou ETF (Exchange Traded Funds) dédiés au secteur de la défense et de la sécurité
- Par des fonds thématiques
- Par des assurance vie et des PER
Investir dans la défense pour se positionner sur un secteur à la croisée de l’économie et de la souveraineté
L’industrie de la défense regroupe un large panel d’entreprises et de groupes qui conçoivent, produisent et vendent un vaste ensemble d’équipements militaires : avions de combat, véhicules blindés, systèmes de missiles, navires, satellites, mais aussi cybersécurité et intelligence artificielle appliquée au domaine militaire.
En France, cette base industrielle et technologique de défense (BITD) rassemble près de 4 500 entreprises et plus de 220 000 emplois directs. Les grands noms – Dassault Aviation, Thales, Safran, Airbus, Nexter – entraînent dans leur sillon une multitude de PME innovantes, notamment dans la cybersécurité et l’intelligence artificielle. Cette industrie est en somme un écosystème complet et solide d’entreprises essentielles pour la croissance de l’économie et pour la souveraineté des États.
Pourquoi investir dans la défense ?
Une dynamique européenne et mondiale une croissance vigoureuse
Que cela soit en Europe comme ailleurs dans le monde, l’investissement dans la défense est en forte croissance. Une intensification est même prévue. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2024, les dépenses militaires mondiales ont atteint un record de 2 700 milliards de dollars, en hausse de près de 10 % sur un an.
Lors du sommet de l’OTAN tenu à La Haye en juin 2025, les 32 États membres se sont par ailleurs engagés sur une nouvelle trajectoire budgétaire pour le moins ambitieuse : porter les dépenses de défense et de sécurité à 5% du PIB d’ici 2035. Cet engagement se répartit en 3,5 % pour les dépenses militaires directes et 1,5 % pour les dépenses connexes — telles que la cybersécurité, la protection des infrastructures critiques ou la préparation civile.
En Europe quelques pays franchissent déjà la barre des 3,5 % du PIB, :
· La Pologne (4,48 %)
· La Lituanie (4 %)
· La Lettonie (3,73 %)
· L’Estonie (3,38 %).
La France, pour sa part, se situe autour de 2,05 %. Mais l’État s’engage à investir 413 milliards d’euros sur sept ans (2024-2030) dans le cadre de la Loi de Programmation Militaire. Le budget “mission Défense” atteint déjà 50,5 milliards d’euros en 2025 soit une hausse de +3,3 milliards par rapport à 2024, représentant 2,06 % du PIB.
Une augmentation progressive est par ailleurs prévue pour atteindre environ 68 milliards d’euros d’ici 2030, et potentiellement 100 milliards d’euros annuels à l’horizon 2035 si la France suit la dynamique OTAN.
En Europe, l’effort de défense varie encore sensiblement selon les pays :
- Allemagne : environ 2,4 % du PIB en 2025, avec un objectif de 3,4 % d’ici 2029.
- Royaume-Uni : 2,5 % du PIB dès 2027, et 3% d’ici 2029.
- Espagne : progression de 1,4 % à 2% du PIB à court terme
Aux États-Unis, le budget de la défense a augmenté de 5,7% en 2024, atteignant la barre des 997 milliards de dollars
Des perspectives économiques solides
Contrairement à d’autres secteurs soumis aux cycles économiques classiques, l’industrie de la défense bénéficie d’un soutien étatique continue sur le long terme. Les commandes sont souvent pluriannuelles, voire décennales, ce qui offre une visibilité aux entreprises, et donc également aux investisseurs.
Un exemple de cette dynamique ? Dassault Aviation, avec son avion Rafale, a accumulé plus de 300 commandes fermes à l’export. Thales bénéficie d’un carnet de commandes supérieur à 25 milliards d’euros.
[[cta-nl]]
Un support de diversification et une belle performance
Investir dans la défense permet de diversifier son portefeuille sur un secteur robuste mais également résilient, car moins sensible aux crises économiques. Entre février 2022 et février 2025, les actions européennes du secteur de la défense ont bondit de +259%.
Certaines entreprises, comme Rheinmetall en Allemagne, ont même vu leur cours en Bourse s’envoler de plus de 170 % depuis le début de l’année 2025.
Un enjeu de souveraineté
Mais investir dans la défense, c’est aussi soutenir l’autonomie stratégique de la France et de l’Europe, leur souveraineté. En orientant l’épargne vers ce secteur, les particuliers participent indirectement à la modernisation des armées, au développement technologique et à la sécurité nationale et européenne.
Investir dans la défense : les risques et les contraintes
À l’image de tout secteur d’investissement, celui de la défense comporte des contraintes et des risques à prendre en compte :
- Un secteur sensible sur le plan éthique
Investir dans des entreprises d’armement soulève bien entendu des questions d’ordre moral et éthique, à tel point que cette typologie d’investissement ne s’aligne pas avec les valeurs morales de certains investisseurs.
- Une volatilité des marchés à prendre en compte
Si les carnets de commandes sont bel et bien solides de la part des États, les cours boursiers des entreprises de défense restent exposés :
- Aux arbitrages politiques (avec une baisse ou hausse des budgets militaires).
- Aux tensions géopolitiques (un conflit peut stimuler ou, au contraire, freiner certains programmes).
- Aux variations des changes et des matières premières (acier, électronique, carburants).
La réindustrialisation européenne dans la défense, un moteur de hausse pour le prix du carbone
L’Europe s’est fixé un nouvel objectif : porter ses dépenses de défense à 5 % du PIB. Cette réorientation stratégique implique une relance massive de la production industrielle — acier, véhicules blindés, camions, munitions, avions, navires… Autant de secteurs à forte intensité énergétique et émetteurs de CO₂.
Or, ces industries sont directement soumises au marché européen du carbone (EU ETS) : pour chaque tonne de CO₂ émise, elles doivent acquérir un quota d’émission. Cette reprise industrielle crée donc une hausse structurelle de la demande en quotas, exerçant une pression à la hausse sur leur prix. Ce mouvement ouvre donc une nouvelle opportunité d'investissement dans les EUA à l'heure où nous écrivons cet article - octobre 2025 - alors qu'1 Tonne de CO2 coûte environ 78€.
C’est l’une des trois grandes dynamiques macroéconomiques susceptibles de tirer le prix du carbone vers le haut dans les prochaines années — aux côtés de la baisse du prix du pétrole, qui relance sa consommation, et de l’essor de l’intelligence artificielle, particulièrement énergivore.
Nous en parlons en détail lors de ce webinaire "Pourquoi le cours des quotas d'émission pourrait exploser en 2026 ?" animé par Valentin Lautier, Fondateur & CEO de Homaio, et Siptene Pirbay, Responsable des Relations Investisseurs. Au programme :
✔️ Les projections de prix pour 2026 basées sur différentes études et analyses de marché
✔️ Les dynamiques clés du marché carbone
✔️ Une session de questions-réponses
[[cta-discover]]
Comment investir dans le secteur de la défense ?
Vous avez la possibilité d’investir dans la défense de plusieurs manières, par plusieurs voies.
Investir directement en Bourse : les actions des entreprises de la défense
Vous pouvez acheter des actions cotées d’entreprises spécialisées sur le secteur de la défense. Les valeurs phares en Europe incluent des groupes tels que :
- Dassault Aviation (France) – spécialisé entre autres dans les avions de combat avec le Rafale
- Thales (France) – spécialisé dans la cybersécurité, les satellites, les radars, les systèmes d’armement, les missiles.
- Safran (France) – Moteurs d’avions et équipements aéronautiques.
- Airbus (Europe) – Avions militaires, hélicoptères, satellites.
- Rheinmetall (Allemagne) – Blindés, munitions, systèmes d’armes.
- Leonardo (Italie) – Hélicoptères, électronique de défense.
- Les avantages de l’investissement en Bourse dans les entreprises de la défense : forte liquidité et un potentiel de rendement élevé.
- Les inconvénients : forte volatilité, dépendance aux budgets militaires.
Les ETF (trackers) spécialisés défense
Les ETF (Exchange Traded Funds) permettent d’investir dans un panier d’actions du secteur de la défense.
Quelques Exemples d’ETF spécialisés sur le secteur de la défense :
- WisdomTree Europe Defence ETF, qui permet d’investir dans une vingtaine d’entreprises européennes.
- VanEck Defence ETF ; un ETF qui regroupe des valeurs mondiales, mais dominé par les États-Unis.
- Les avantages de l’investissement en ETFs spécialisés défense : une diversification de son portefeuille de placement et une accessibilité dès 100 €.
- Les inconvénients : certains ETF ne sont pas éligibles au PEA, et beaucoup sont orientés vers le marché américain.
Les fonds thématiques
Plusieurs sociétés de gestion proposent des fonds thématiques dédiés à l’industrie de la défense, c’est le cas des fonds suivants :
- CPR Invest – European Strategic Autonomy
- Tikehau European Sovereignty Fund
[[cta-simulateur]]
Zoom sur le Fonds Défense BPI France
Qu’est-ce que le fonds Bpifrance Défense ?
Le fonds Bpifrance Défense est un futur véhicule d’investissement créé par Bpifrance, destiné à permettre aux particuliers d’investir dans des entreprises actives dans le secteur.
Doté de 450 millions d’euros, il a pour objectif de financer les entreprises françaises stratégiques pour la défense et la sécurité nationale.
Ouvert aux particuliers dès 500 €, il s’agit d’un fonds de capital-investissement (private equity) orienté vers des entreprises non cotées, souvent des PME ou des start-ups innovantes.
Ses objectifs sont clairs : accompagner la montée en puissance industrielle, sécuriser les chaînes d’approvisionnement et encourager l’innovation de rupture, notamment dans l’intelligence artificielle, l’énergie ou les nouveaux matériaux.
Le rendement attendu — sans garantie — se situe entre 7 et 10 % par an, selon le profil des entreprises financées et le niveau de risque.
Le lancement commercial est prévu au second semestre 2025.
Principales caractéristiques
Élément |
Détail |
Ticket minimum pour investir |
Environ 500 €, ce qui est relativement accessible pour un fonds de ce type. |
Accessibilité |
Ouvert aux particuliers |
Secteurs visés |
Start-ups, PME, ETI non cotées spécialisées dans la défense, la cybersécurité et les technologies de pointe. |
Performance attendue |
Entre 7 à 10 % par an selon le risque et les entreprises financées. |
- Les avantages : la gestion du portefeuille est confiée à des professionnels qui peuvent arbitrer les investissements de leurs clients
- Les inconvénients : des frais de gestion possiblement élevés, une perte de capital possible.
Assurance-vie et PER
De nombreux contrats d’assurance-vie multisupports et PER proposent désormais des unités de compte liées à la défense (fonds, ETF, actions).
Cela présente comme intérêt d’offrir un cadre fiscal avantageux, mais aussi de mixer avec des placements plus sécurisés, tels que des fonds en euros. Côté inconvénients, le rendement peut être en-deçà d’autres supports et, dans le cas du PER, les fonds sont bloqués durant plusieurs années.
Le futur « plan d’épargne défense »
Annoncé en 2025 par le gouvernement français, le « Plan d’épargne défense » n’a pas encore été lancé. Si tel est le cas, il devrait canaliser une partie de l’épargne nationale vers les entreprises stratégiques du secteur de la défense. Les contours restent encore à préciser, mais il pourrait devenir un support d’investissement attractif pour les particuliers qui souhaitent investir sur le créneau et participer par la même occasion à la souveraineté nationale.
Tableau comparatif des supports d’investissement dans la défense
Support d’investissement |
Rendement potentiel |
Avantages |
Inconvénients |
Accessibilité |
Actions cotées |
8–15 %/an (selon l'entreprise et le contexte) |
Potentiel de gains élevés, liquidité |
Forte volatilité, risque politique |
Accessible via PEA ou CTO |
ETF Défense |
5–10 %/an |
Diversification, ticket d’entrée faible |
Offre limitée en Europe, certains non PEA |
Accessible dès 100 € |
Fonds thématiques |
5–8 %/an |
Gestion professionnelle, exposition élargie |
Frais de gestion, horizon long terme |
Assurance-vie, PER, CTO |
Assurance-vie (unités de compte défense) |
3–8 %/an |
Cadre fiscal avantageux, flexibilité |
Rendement non garanti |
Accessible dès 500 € |
Fonds Bpifrance Défense (2025) |
5–10 %/an |
Soutien PME françaises, diversification |
Risque de perte en capital, blocage 5 ans |
Dès 500 €, plafond limité |
Plan d’épargne défense (à venir) |
À définir |
Avantages fiscaux potentiels, soutien à la souveraineté |
Détails encore flous |
À venir |
Tendances actuelles de l’industrie de la défense
Si l’investissement dans le secteur de la défense est considéré comme beaucoup d’observateurs comme étant porteur et rentable, c’est en raison du fait qu’il est porté par des tendances fortes :
- Cybersécurité : enjeu prioritaire, les États investissent dans la protection des infrastructures critiques.
- Drones et IA militaire : forte croissance, portée par des startups européennes innovantes (Helsing, Preligens, Unseenlabs).
- Équipements terrestres et aériens : modernisation accélérée des flottes vieillissantes.
- Souveraineté européenne : volonté de réduire la dépendance vis-à-vis des États-Unis pour certains équipements stratégiques.
Nos conseils pour investir dans la défense
- Soyez clair sur vos objectifs : cherchez-vous un rendement à court terme ou un placement à long terme ?
- Diversifiez vos supports : combinez actions en Bourse, ETF et fonds pour limiter les risques et optimiser le rendement.
- Gardez un horizon long terme : la défense est un secteur dont les cycles dépendent des arbitrages politiques et géopolitiques. Aussi, afin d’obtenir le rendement escompté, opter pour un horizon d’investissement sur le long terme demeure une bonne disposition.
Investir dans la défense peut être effectué par une large gamme de supports: actions, ETF, fonds thématiques, assurance-vie, et bientôt un plan d’épargne dédié.
Ce secteur offre des perspectives de rendement attractif, s’appuie sur une croissance solide et permet de diversifier son portefeuille. Mais il implique aussi des questions éthiques, une volatilité boursière et un risque politique à ne pas négliger.
En résumé :
- Pour l’investisseur déjà actif, la défense est un axe de diversification intéressant.
- Pour un investisseur qui souhaite se lancer, mieux vaut commencer par les fonds ou ETF spécialisés, plus sécurisants qu’un investissement direct en actions.
Quoi qu’il en soit, l’industrie de la défense devrait rester l’un des piliers des marchés financiers européens dans les années à venir.